Krayon Everywhere
Baselworld

L’Everywhere de Krayon, la poésie universelle des habitudes du soleil

Il est question d’heures de levers et de couchers de soleil. Et ce, quel que soit l’endroit du monde. L’inédite complication signée Rémi Maillat, fondateur du bureau d’étude Krayon, regorge d’une poésie existentielle.

Par Joël A. Grandjean
Contributeur

Comme toutes les réalisations les plus réussies au monde pluriséculaire des complications horlogères, le garde-temps Everywhere surprend par son ultra simplicité de lecture.

La simplicité, la complication des complications

En d’autres mots, dans l’esprit d’un maître horloger, le challenge de traduire la complexité d’une construction en logique intuitive de fonctionnement s’ajoute aux défis inhérents à la complication elle-même. Une sorte de rubicube qui, pour rendre la vie de son joueur moins torturée, recouvrirait la couleur de ses faces amovibles d’une peau de caméléon capable d’épouser les couleurs alentours. La montre imaginée par Rémi Maillat, donne donc du premier coup d’œil deux durées, celle du jour qu’il reste à vivre dans une journée, ou, par contraste de couleur, celle de la nuit qui doit encore s’écouler avant que la clarté du nouveau jour n’arrive.
 


Enoncé ainsi, ça n’a l’air de rien. Pourtant, sous cette définition simple et via l’épaisseur d’une zone parallèle au pourtour de la lunette, une zone périphérique gérée par un disque dont le bleuté sombre et le blanc clair varie en fonction du temps qui s’écoule, se cache un instrument horaire et calculateur mécanique universel de presque 600 composants, capable d’indiquer le moment du lever et du coucher du soleil depuis n’importe quel endroit du monde, c’est à dire sous n’importe quelle latitude.

Calibre intégré totalement inventé

En ce début 2018 déjà, alors que le printemps horloger bat son plein et que la fin de l’hiver n’en finit pas de trainasser, quatre personnes ont passé commande. Remi Maillat confesse qu’il ne pourra en fabriquer plus que 5 à 6 par année. Jugez plutôt. Le calibre est de conception originale et de nature intégrée. C’est à dire qu’il ne s’agit pas d’un calibre dont les pièces, la platine ou d’autres composants vitaux, auraient été empruntées à des mouvements mécaniques existant sur le marché. Remi Maillat a tout reconstruit. C’est son métier après tout, puisqu’il crée à Neuchâtel en 2013 son bureau technique de création horlogère. Qui dit ‘intégré’ dit que dans ce calibre, et ce quelle que soit l’indépendance de fonctionnement des différentes fonctions, tout est imbriqué. Il n’y a pas par exemple un étage destiné à exprimer les fonctions naturelles de la montre, telles l’heure, les minutes ou les secondes, puis un ou plusieurs autres étages, des modules consacrés aux fonctions supplémentaires, notamment aux complication, appelés à s’encastrer sur le premier.
 


Le nom de baptême de ce calibre horloger joue la simplicité désarmante, efficace. Il ne tente aucune analogie avec les numérotations courantes, ces chiffres mystérieux chargés d’un sens initiatique que complètent des initiales tout autant énigmatiques. Il s’intitule «Universal Sunrise & Sunset». Outre son exploit d’être unique et intégré, ce mouvement se présente, avec son épaisseur de 6,50 mm, sous un diamètre de 35,40 mm, ce qui permet à la montre de ne pas dépasser les 42 mm et de rester d’une finesse époustouflante au regard des informations qu’elle est capable de fournir: au centre les minutes, les 24 heures, le lever et le coucher du soleil - en périphérie grâce à des disques mobiles, le quantième positionné à 6h, le paramètre dédié à la longitude et au temps UTC situé à 12h, celui de la latitude à 9h puis, un indicateur de fonction installé à 3h.
 


595 composants dont 85 rubis se mettent ainsi au service d’une simplicité de réglage. Tout est fait maison, même le spiral. Et ce calibre choisit une fréquence qui sied aux objets qui se doivent de ménager leurs efforts tout en étant capables, sans essoufflement, de parcourir de longues distances. 3 Hertz, soit 21’600 alternances par heure. Ainsi parvient-il, grâce à son remontage automatique alimenté par le va-et-vient d’un micro-rotor en or 22 carats, à prolonger sa durée de marche jusqu’au seuil des 72 heures. En tout, trois levers et trois couchers de soleil, si par hasard la montre se trouvait délaissée durant 3 jours.

Est-ce bien utile? En tous les cas désirable

Au fait, quel est le client suffisamment original pour avoir besoin de savoir avec précision l’heure du lever ou du coucher du soleil, et ce au gré de ses nombreux déplacements autour du globe. Vous seriez étonné. Le premier a pour usage d’organiser des invitations à diner dont l’heure est fixée au coucher du soleil. Comment lancer ses invitations à l’avance sans un tel instrument de calcul? Comment pourrait-il savoir autrement qu’avec son Everywhere, à quelle heure le soleil se couchera en juin s’il se trouve à tel endroit? Visiblement, cet homme-là, qui dispose d’un yacht sur lequel se déroulent ses diners, ne plaisante pas avec la précision.
 


Plus sérieusement, la montre conçue par Rémi Maillat, puisqu’elle permet d’indiquer l’information du lever et du coucher d’une ville différente de celle dans laquelle on se trouve, est d’une grande utilité pour ceux dont les affaires se font avec des religieux respectueux de certains pratiques de prières ou de repos. Et puis, aux cartésiens qui, avec raison, relèveraient le côté totalement futile et inutile de cette fonction, je répondrais que c’est à l’ensemble de l’horlogerie mécanique qu’ils peuvent adresser leurs doléances! Je leur dirais aussi d’aller s’offrir une petite balade dans la fascinante histoire de l’horlogerie suisse, à l’époque où les Jules Audemars «s’amusaient» à fournir de telles indications, au revers d’une montre de poche, et où les célèbres calibres les plus compliqués du monde, notamment chez Patek Philippe, semblaient naturellement enclins à ajouter ces données indicatives à leurs palmarès complicationnels.

Les complications inavouées de l’Everywhere

La montre Krayon Everywhere dispose d’un charme supplémentaire. Celui de ne pas tout dire, de ne pas montrer à tout prix. Ainsi est-elle à même de contenir, au cœur de ses entrelacs micromécaniques, des informations induites qui, chez certains, occasionnent des effets d’annonce. Certes, elle n’indique pas un deuxième fuseau horaire et ne peut donc être totalement considérée comme une montre GMT, toutefois, l’indépendance de fonctionnement du calculateur universel par rapport à l’indication «normale» du temps, permet de connaître les heures des couchers et des levers du soleil à un endroit différent du globe que celui dans lequel le porteur évolue.
 


Il est une autre complication également qui est inhérente à la fonction particulière de cet instrument de mesure des levers et des couchers, c’est celle de l’équation du temps. Cette fameuse complication horlogère qui fait l’objet d’une indication particulière sur des montres de haut rang et qui permet de donner l’écart entre le temps admis et le temps vrai du soleil. Penser que cette incroyable complication réside dans les entrailles de l’Everywhere sans que son concepteur ait jugé utile de l’indiquer, relève de la plus grande des noblesses créatives. Après tout, pourquoi aurait-il pris le risque de diluer le message de son incroyable poème temporel, celui des sunrises et des sunsets, par quelques effets de style en mode démonstration.
 


Cette considération que l’essentiel de l’esprit horloger semble concentré au sein de l’Everywhere, cette créativité et ce bon sens pétris d’une humilité qui ne s’interdit pas l’acceptation du savoir, se retrouve également dans le choix du nom Krayon. Franchement, est-ce un nom de marque? Le nom d’un horloger dont le génie semble admis par le cercle très restreint des collectionneurs de haut vol, ceux qui savent et détectent les talents bien avant leur éclosion, aurait fait l’affaire. Sauf que pour Rémi Maillat, qui continue de se considérer avant tout comme le fondateur d’un bureau de conception créateur de calibres compliqués, la référence à cet objet simple, le crayon, particulièrement sophistiqué en matière de fabrication, particulièrement utile dans sa fonction première comme dans ses usages annexes - tenir le chignon d’une élégance ou contenir le stress d’un rongeur d’ongles - relève du fantasme absolu. Auquel s’ajoute l’aboutissement esthétique.
 


Bref, l’homme est atypique, c’est un cas à part dans le paysage horloger. Ou plutôt un «K» qui avait élu domicile bâlois, le temps d’une expo 2018, non pas dans le stand de l’AHCI où il aurait mérité d’avoir un dôme, mais au troisième étage de l’Hôtel ex-Ramada. L’une de mes plus belles rencontres 2018, assurément.

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